Régime ?

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  • Le 02/02/2018
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Nourriture philosophique

Nombre de stages de massage voire d'initiation à l'ayurveda ou au tantrisme prônent plus ou moins discrètement un régime alimentaire, le plus souvent végétarien, parfois même végane, et ils peuvent y associer l'interdiction de boire de l'alcool. Dans le monde indien où sont nés ayurvéda et tantrisme, le modèle de l'ascète ou du moine se privant délibérément de tout plaisir sensuel s'accordait parfaitement à la vie de la majeure partie de la société, trop pauvre pour manger de la viande, ou boire régulièrement de l'alcool. Or l'histoire des civilisations et de l'homme montre que dans toutes les sociétés dites "primitives", cette survie est systématiquement associée à la consommation de viande et/ou de poisson, dès que l'occasion le permet, ainsi que de boissons fermentées. L'homme est naturellement omnivore, donc le végétarisme n'a rien à voir avec un retour à la nature. De plus, c'est grâce à ce régime omnivore que l'humanité vit nettement plus longtemps et dans de meilleures conditions que par le passé, et qu'elle ne cesse de croître.

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La notion de végétarisme reste de plus très floue, acceptant parfois certaines viandes, du poisson, des oeufs, des laitages ... Quant aux véganes, les plus extrêmistes des végétariens, comment peuvent-ils croire qu'un produit pourrait être "pur", et que leur action améliore la condition animale ? La chaîne alimentaire pousse des animaux non seulement à manger des légumes, mais le p^lus souvent aussi,  d'autres animaux. Si l'on veut récolter des légumes, il faut donc en éloigner les animaux qui s'en nourrissent, même microscopiques (y aurait-il des critères  pour choisir entre "bons" ou  "mauvais" animaux ?) par divers moyens plus ou moins biologiques, mais qui visent tous à les priver de cette nourriture, donc à les faire mourir. Si l'on admet avec certains savants que les végétaux aussi sont capables de ressentir l'affection ou le désinterêt qu'on leur porte (un exemple parmi d'autres) où situer la frontière entre le régne animal et le régne végétal ? Entre ce que l'on va manger et ce dont on doit se priver ? Existe-t-il un seuil de "conscience", interdisant de consommer ce qui se trouve au delà, alors que la vie prend des milliers et des milliers de formes extrêmement complexes, parfois transitoires entre le règne végétal et animal ?

Dans notre monde, tout est imbriqué, parcouru d'une même énergie qui traverse plantes, animaux et hommes. Rien ne peut vivre à l'écart de cette chaîne constamment entretenue par le cycle de la vie et de la mort. Les pluies ou les vents ne sélectionnent pas les parcelles sur lesquelles ils déposent les poisons et insectes qu'ils peuvent porter. On refuse la laine, les matériaux synthétiques, mais sait-on comment est cultivé le coton ou le lin ? Peuvent-ils pousser par la grâce du ciel à l'abri des parasites et des maladies ? Peuvent-ils pousser sans traitements et sans énormément d'eau, asséchant ainsi des rivières, voire des mers qui auraient été nettement plus utiles en servant à autre chose ?

La vie des animaux sauvages serait-elle exemplaire ? Leur agonie, parfois très longue, est-elle préférable à leur mort dans un abattoir moderne ? S'ils sont maltraités, c'est naturemment tout aussi condamnable que lorsqu'il s'agit d'un être humain, mais la maltraitance est une perversité qui s'attaque tout autant aux animaux qu'aux êtres humains. Les hommes sont de plus en plus nombreux grâce au - ou à cause du - progrès des sciences, de la médecine. Cela n'a certes rien à voir avec le bonheur, mais les réflexions philosophiques et les régimes sont l'apanage de gens riches, et/ou, de sociétés avancées. Les pauvres n'auront jamais le choix de leur nourriture, à la différence des riches qui peuvent tenter d'équilibrer l'absence de viande par divers produits végétaux coûteux à produire dans des pays qui ne sont pas les leurs (le soja, les noix de cajou par exemple).

Essayer de vivre au XXIe s. à la mode du Xe s., voire de périodes antérieures, est une aberration. La médecine a considérablement évolué, l'agriculture aussi, tout comme les structures sociales. Personne n'échappe à son environnement, par exemple aux moustiques qui peuvent transmettre de lourdes maladies : doit-on sauver le moustique en acceptant que chez les plus démunis évidemment, les hommes, les enfants en particulier soient gravement handicapés ? 

La leçon de toutes les philosophies est la modération, l'équilibre et par dessus tout, la tolérance. Se faire vomir ou bien "nettoyer" ses intestins dans l'espoir fallacieux d'en éliminer les toxines est tout aussi inutile que ridicule, voire dangereux. Pour ne pas parler des saignées, préconisées elles aussi par une certaine médecine ayurvédique. Ce qui ne veut pas dire que tout soit à rejeter dans l'ayurvédisme, mais accepterait-on de se soigner actuellement dans les pays occidentaux en ne recourant qu'aux traitements médiévaux qui favorisaient une forte mortalité ? Un massage ne peut-être efficace après un banquet copieusement arrosé. Mais les interdits (ou recommandations) alimentaires sont opposés à l'esprit libertaire du tantrisme. Chacun est le bienvenu, omnivore, végétarien, voire végane, car l'épanouissement spirituel  (c'est bien l'esprit qui gère tout, y compris l'alimentation) amène naturellement chacun à choisir un équilibre. Son propre équilibre.

 

 

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